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Les photos des photojournalistes meilleures que celles des non-professionnel.

En 2013, le Times Herald-Record de Middletown, NY, a licencié l’ensemble de son personnel photographique, choisissant de les remplacer par un mélange de photos prises par des professionnels des services de presse et des non-professionnels. Cette décision d’affaires demeure en vigueur des années plus tard, et une nouvelle étude prévient que l’imagerie des nouvelles de la publication en a souffert.

L’étude, récemment publiée dans la revue Journalism & Mass Communication Quarterly, portait sur 488 images prises par des professionnels et 409 images prises par des non-professionnels, toutes ayant déjà été publiées par le journal. Les photos ont été analysées dans quatre catégories : Informatif, Graphiquement attirant, Émotionnellement attirant et Intime.

Selon les résultats, plus de 8 images sur 10 prises par des non-professionnels entrent dans la catégorie « Informatif », qui est décrite comme des photos qui fournissent des informations mais manquent d’émotion et de créativité. En comparaison, 49 % des images d’actualité professionnelle appartenaient à la catégorie de l’information.

Les images d’actualité capturées par des non-professionnels étaient souvent de base, sans attrait esthétique et émotionnel.

De plus, l’étude a révélé que seulement 10,3 % des images non professionnelles étaient classées dans la catégorie Émotionnel contre 25,4 % des images professionnelles, et que 7,6 % des photos non professionnelles étaient attrayantes graphiquement contre 23,6 % des images professionnelles. Enfin, alors que 1,8 % des images professionnelles étaient considérées comme intimes, aucune des images non professionnelles n’entrait dans cette catégorie.

Les chercheurs ont noté d’autres différences entre les deux catégories de photographes, notamment que les photos professionnelles étaient plus susceptibles de mettre en vedette l’action et que le Times Herald-Record présentait plus souvent des images prises par des professionnels.

Bien que certaines questions subsistent, comme celle de savoir si les professionnels ont eu plus d’options pour saisir des sujets convaincants, les résultats sont toujours clairs : les images d’actualité capturées par des non-professionnels étaient souvent de base, sans intérêt esthétique et émotionnel. Il reste à voir si de telles conclusions renverseront la tendance au licenciement du personnel photographe.

Les résultats de l’étude sont loin d’être surprenants, mais il est agréable de voir les chiffres confirmer ce qui semblerait être du bon sens. Bien sûr, le meilleur appareil photo est celui que vous avez avec vous, mais un photographe professionnel avec le bon équipement dans leurs mains est beaucoup plus susceptible de créer une image percutante, que ce soit avec émotion, composition, couleur, ou une combinaison de tout ce qui précède.

Témoignage de Alain Buu sur le métier de photo-journaliste en 2013.

Alain Buu était présent place Tahrir en Egypte durant le printemps arabe  en Févier 2011 © Sebastien LAPEYRERE

Alain Buu était présent place Tahrir en Egypte durant le printemps arabe en Févier 2011 © Sebastien LAPEYRERE

Par Jean-Pierre Perrin Libération

Loin des conflits qui ont fait sa gloire, une profession lutte contre sa disparition au sein d’une presse qui brade ses images. Illustration avec le parcours d’Alain Buu. 

En Irak, alors qu’il est coincé dans le Kurdistan en 1991, sa chance a été d’avoir été boat people, recueilli gamin sur une barque vietnamienne perdue en mer de Chine et ramené en France. Quand, après être resté dix-huit heures caché dans un trou, il est découvert par des soldats de Saddam Hussein qui menacent de le tuer, le jeune photographe a l’idée de se revendiquer de la terre ancestrale : «Je savais que les Vietnamiens étaient respectés par les Arabes. Ils étaient à cette époque les seuls à avoir battu les Américains au cours d’une guerre.» Il s’écrie : «Vietnamien, je suis vietnamien.» Sauvé !

Après des jours difficiles à la terrible prison d’Abou Ghraib, Alain Buu et son copain, un journaliste américain, seront libérés. Mais un troisième pote, Gad Gross, photographe de 27 ans d’origine roumaine, a, lui, été exécuté au moment de sa capture. «Aujourd’hui, j’ai l’impression que c’est l’histoire de quelqu’un d’autre, confie-t-il dans un récit écrit avec cette modestie qui le caractérise. Les gens me perçoivent comme un miraculé et un héros, certains envient mon expérience. Mais, intérieurement, je suis triste, j’aurais bien voulu ne jamais vivre cette aventure.»

A présent, ces jours de peur et de fureur sont loin. Car, ce que ni les bombardements ni les frontières n’avaient réussi à faire, l’empêcher de partir, d’aller suivre les guerres, la crise que traverse le photojournalisme y est parvenue. Désormais, cet ancien de Gamma, qu’il a quittée en 2004 parce que l’agence ne lui donnait plus de sujets à l’étranger, regarde à distance le monde se déchirer. Environ 80% de ses activités sont désormais des «corporates» (des commandes d’entreprises). «Des centaines de photographes sont dans mon cas», précise-t-il.

Et ce n’est qu’une fois sa bourse remplie qu’il peut envisager un départ. «Il y a trois ans, je suis allé suivre la guerre au Tchad. Cela m’a coûté 5 000 à 6 000 euros, dépensés en pure perte car je n’ai pas vendu de photos.» En 2011, pour la révolution égyptienne, il fait vite ses comptes : «Un billet d’avion, 550 euros. Pas besoin de taxi ni de « fixeur » : tout se passe place Tahrir et on peut même dormir sur place.» Il prend le risque d’y aller, même si des dizaines de photographes sont déjà à pied d’œuvre. Au final, il dépense 1 500 euros mais, grâce à des ventes à Paris Match et Stern, il double sa mise. «J’ai gagné de l’argent, mais cela reste exceptionnel.» Suite sur liberation..

Photoreporter en baie de Saint Brieuc

L’eau du Nil, partage ou guerre / Franck VOGEL

C’est un festival original que l’on peut visiter en ce moment en Bretagne. Toutes les expositions de « Photoreporter en baie de Saint Brieuc » sont inédites. Et c’est la manifestation qui a financé les reportages.

On découvre ainsi, en accès gratuit, des images réalisées par des pointures du métier : Jim BRANDENBURG ,Claudine DOURY,Gwen DUBOURTHOUMIEU ,Cédric GERBEHAYE ,Antoine GYORI ,Gary KNIGHT,Olivier JOBARD ,Pierre-Yves MARZIN ,Sonia NAUDY ,Zeng NIAN ,Pierre TERDJMAN ,Tomas VAN HOUTRYVE , Ami VITALE, Franck VOGEL, Gaël TURINE.

Ceci alors que la plupart des festivals en France, innombrables, se contentent souvent d’expositions clé en mains et à moindre coût. Mais le festival est notable à un autre titre : ce sont des entreprises qui ont financé la majeure partie de l’événement – presque les deux tiers du budget global, le reste venant de subventions (communauté d’agglomération, Région, Département).

Il est plutôt rare de voir ainsi associés photojournalisme et secteur privé. L’idée est venue d’Alexandre Solacolu, directeur du festival, juriste maritimiste qui a beaucoup oeuvré dans le sponsoring des courses de voile. « On sait que la presse et le photojournalisme sont en crise. L’idée, c’était de donner le moyen aux photographes d’aller sur le terrain », dit-il. Il a a imaginé de créer un festival, avec un fonds de dotation destiné à financer la production de photoreporters, et soutenu par des entreprises. Ce sont surtout des PME de la région qui ont répondu présentes, depuis le Crédit agricole des Côtes d’Armor, jusqu’à Pratibuche (récupération des chutes de bois) en passant par Lucie (herbes aromatiques), offrant de 1000 à 30000 euros chacune – un exploit en ces temps de crise. D’autant que la direction a pris soin de protéger la ligne éditoriale : aucune entreprise n’a pu influer sur le choix des sujets. « l’idée n’était pas de faire des commandes d’entreprise! sourit le directeur. On a d’abord réuni 150 000 euros pour financer la production des sujets, puis choisi les projets, et ensuite on les a présentés aux partenaires ».Un appel à projet a permis de réunir 300 dossiers de candidature, dont quinze ont été sélectionnés par un jury issu du monde du photojournalisme, dont les directeurs photo de plusieurs magazines, et présidé par le directeur du festival de photojournalisme de Perpignan Jean-François Leroy. Puis les reporters sont partis sur le terrain, sans pour autant être lachés dans la nature: « Maintenant qu’il y a moins de commandes, les photojournalistes ont perdu des financements, mais aussi l’accompagnement éditorial qu’assurait la presse, explique le directeur. Les photographes se débrouillent seuls, et la qualité s’en ressent. On a voulu rétablir cet accompagnement. » Didier Rapaud, ancien de Paris Match, est donc devenu directeur artistique du festival, jouant le rôle de rédac-chef photo pour les reporters.

Les images qui résultent de cette formule originale et gagnante sont à découvrir dans différents lieux de la ville de Saint Brieuc jusqu’au 11 novembre. Pour le public, c’est l’occasion de découvrir des images inédites et de discuter avec les photographes. Pour les reporters, c’est l’assurance de pouvoir financer un reportage, et ensuite la possibilité de le vendre dans la presse: « les photographes restent propriétaires de leurs images, explique Alexandre Solacolu. Après le festival, c’est le modèle économique traditionnel qui reprend ses droits ». Et pour les entreprises? Elles peuvent espérer des retombées en terme d’image, plus largement « un dynamisme, une ouverture sur le monde » explique le dynamique directeur qui a mené un long travail de sensibilisation autour de la notion d’engagement. « Idéalement, j’aimerais transformer ces chefs d’entreprise en collectionneurs » dit-il. Même s’il s’agit pour l’instant, plus modestement, de pérenniser la formule. Avec déjà 55000 visiteurs, il y a de quoi être optimiste.

Festival : http://www.festival-photoreporter.fr/?page_id=6&

Le prix à payer pour être un photojournaliste

Révolution Egyptienne - Février 2011 © Sebastien LAPEYRERE / Olynea Photos

Financé son reportage devient de plus en plus difficile pour les photojournalistes confrontés à la baisse des prix et des commandes auprès de la presse . Et partir en reportage ,avec le  risque de ne pouvoir rentrer dans ces frais.

Un excellent article sur le métier de photojournaliste et sur le financement des reportages .

Jonathan Alpeyrie est un photojournaliste, en cette fin d’année, il ne nous parle de ses images, mais de son bilan financier: étonnant et plein de leçons et d’enseignements.

La plupart des membres de la profession se plaignent de l’état de la presse aujourd’hui dans un monde qui change en permanence. Je ne déroge pas à ce constat. La presse connaît une transformation sans précédent, comme les médias sociaux, et les nouvelles technologies transforment radicalement le cadre auquel s’étaient habitués les journalistes et photographes.

Ce n’est pas le fait d’être publié qui pose problème. Gagner suffisamment d’argent pour vivre, payer ses frais au quotidien, et financer les projets à venir, c’est cela, le vrai problème. Les journaux et magazines qui peuvent se permettre d’envoyer des journalistes au loin pour couvrir des événements majeurs sont de moins en moins nombreux, et les journalistes en question doivent trouver de nouveaux moyens de faire de l’argent. Les agences photo, par exemple, ces dernières années, ont fait appel de plus en plus souvent à des photographes locaux, parce que cela leur coûte bien moins cher que de payer leurs propres équipes et de les envoyer dans des pays lointains.

De façon plus déterminante encore, la côte des photographies s’est effondrée ces vingt dernières années avec l’arrivée en force d’internet, qui met naturellement l’accent sur la quantité plutôt que sur la qualité. Polaris Images, l’agence qui me représente  internationalement, me fait publier tous les jours dans le monde entier, ce qui est très appréciable, bien sûr, mais quand je reçois mon solde, la somme accumulée est plutôt dérisoire, au regard du nombre de photos vendues et de la quantité de risques que j’ai dû prendre au cours de certains de ces voyages. Par exemple, la Chine est un marché important pour moi, avec peut-être 10% de mes ventes totales par mois. Les Chinois ont dévalué le prix des photographies autant qu’ils ont pu, achetant un cliché en moyenne 30 dollars pièce : c’est un prix très bas, qui ne prend absolument pas en compte la qualité de la photo ou les risques pris pour la réaliser.

Mais finalement, le point peut-être le plus essentiel tient au comportement de la presse envers elle-même, et à son incapacité à se réinterroger : à mon avis, c’est le danger le plus important auquel elle est confronté. Depuis quelques décennies maintenant, le monde de la presse a dû faire face à des revenus et des abonnements en baisse constante pour ses journaux, ses magazines… Il est certain, cependant, que l’avènement d’internet a beaucoup à voir avec cet état de fait, les gens préfèrent chercher leurs informations sur une grande variété de sites offrant du contenu gratuit, plutôt que de payer pour des titres papier. Une situation contre laquelle il est difficile de lutter, il est vrai. La presse a rapidement trouvé une solution simple pour augmenter ses revenus : créer et vendre du contenu que les gens ont envie de lire ou de voir. Le résultat de cette stratégie s’est rapidement fait sentir : la qualité des titres de presse a rapidement décliné, jusqu’au point où certains magazines, qui étaient auparavant reconnus pour leur qualité, sont devenus des mélanges difformes d’informations et de ragots sur les célébrités. Life magazine et Paris Match sont les exemples parfaits de cet état de fait.

Cela fait maintenant dix ans que j’exerce le métier de photojournaliste, et ma pratique colle en tout point à la réalité exposée dans les paragraphes précédents. Comme il est facile de critiquer la nature même de ce qu’est devenue la presse occidentale, je vais prendre des exemples concrets issus de mon expérience, qui correspond cependant à la situation et à l’état d’esprit de tous les professionnels qui, comme moi, luttent pour réussir à vivre de leur métier.

Pour illustrer cette nouvelle réalité, je vais donner quatre exemples de voyages que j’ai réalisé pour couvrir des événements internationaux : la guerre de la drogue au Mexique, la guerre en Libye, le scandale Dominique Strauss-Kahn, et l’indépendance du Sud Soudan. Chacun va me permettre d’illustrer une fortune différente du processus de production, et de donner une idée de l’argent dépensé pendant ces déplacements et du retour financier que j’ai pu réaliser.

La guerre de la drogue au Mexique est devenue depuis 2006 un événement international, couvert de temps à autre par la presse mondiale. À mon sens insuffisamment, alors que ce conflit s’est transformé en vraie guerre civile, avec des implications internationales majeures. En mars 2011, j’ai décidé de couvrir cette guerre muette à la frontière entre le Mexique et l’Arizona, dans le village frontalier de Nogales. Pendant trois semaines, j’ai travaillé avec les forces de police spéciale anti-drogue américaines (Metro) qui combattent les cartels de la drogue. J’ai traversé la frontière une demi-douzaine de fois vers le Mexique pour essayer de retraduire la perspective mexicaine sur ce drame. J’ai dû me rapprocher dangereusement d’un de ces cartels pour photographier la vie quotidienne sur place, et les membres de ces organisations criminelles. Je me suis senti plus inquiet et paranoïaque à ces occasions que lors de n’importe quelle guerre que j’ai pu couvrir par ailleurs. Quand mon reportage a été terminé trois semaines plus tard, j’ai dû mettre fin à mon séjour précipitamment : j’avais l’impression d’être suivi, la police US m’a confirmé que c’était le cas, alors je suis parti. Le niveau de risque consenti pour réaliser ce reportage n’a jamais été pris en compte financièrement. Toutes mes dépenses pour un séjour de trois semaines ont atteint 2500 dollars. Polaris et moi-même n’avons pas réussi à vendre cette histoire à sa vraie valeur. Je pense que j’ai à peine fait 1000 dollars en retour, perdant ainsi 1500 dollars sur ce voyage. Ce n’était pas la question bien sûr, puisque j’avais des conditions de travail particulièrement propices. Mais en termes financiers, ce voyage a été un échec.

La guerre en Libye est devenue très rapidement un événement international de première grandeur, et a été couverte par tous ceux qui voulaient s’y faire un nom. Pour moi, c’était une guerre …;

….Suite 

Jonathan Alpeyrie sur le site La lettre de la photographie